La paternité sans domicile : perceptions professionnelles
Recherche personnelle
Au cours de ma thèse de sociologie, la distance entre la prise en compte de la maternité des femmes sans domicile, accompagnées ou non de leurs enfants, et la prise en compte de la paternité des hommes sans domicile m'a interrogée.
Dans ces institutions totales, la sexualité n’a pas de place : la femme est avant tout une mère, actuelle ou en devenir. L’homme est « juste » un homme, ce qui le renvoie au statut de travailleur incomplet. Les représentations des rôles sociaux de sexe véhiculées dans les processus de requalification sont donc, essentiellement, traditionnelles : l’enfant est pensé auprès de sa mère. Ainsi, les familles peuvent être amenées à taire la présence du père pour optimiser les probabilités d’hébergement mère-enfant.
Par cette recherche, je cherche à comprendre la place de la paternité dans la prise en charge des hommes sans domicile. La paternité apparaissait, au cours de mon terrain doctoral, comme un impensé, mais il semblerait qu’aujourd’hui, la paternité de ces hommes commence à s’affirmer et à être accompagnée. Dans cette recherche exploratoire, j’essaie de saisir les relations entre politiques sociales (genrées), représentations et transformations sociales des rôles sociaux de sexe et bouleversement des pratiques en lien avec la loi dite d’humanisation des centres. Les résultats semblent montrer une nouvelle forme division des tâches de soin à l’enfant interrogeant les pratiques traditionnelles du care à l’aune de la monoparentalité. En effet, dans leurs pratiques et leurs discours, les professionnels du social semblent construire deux catégories cognitives autour de la figure paternelle et maternelle, catégories qui distinguent le soin matériel, du soin affectif. Ce phénomène gagne à être analysé à partir des théories de l’éthique du care et du renversement des normes dominantes au sein de la sphère de l’intervention sociale.
Les premiers résultats s’appuient sur une dizaine d’entretiens non directifs réalisés auprès de travailleuses et de travailleurs sociaux et d’observations de réunions liées aux questionnements des pratiques professionnelles. Cette recherche pourrait se poursuivre en questionnant le vécu et la pratique de la paternité placée sous le regard de l’institution.
Mes premiers résultats ont fait l’objet d’une communication en séminaire (Parentalités, EHESS, Février 2014). Il est prévu prochainement : une communication en colloque (« Politiques sociales et famille, Agadir, mai 2015) et deux interventions lors du prochain congrès de l’AFS. Un article, tiré du volet exploratoire de cette recherche, a été publié en novembre 2014 dans la revue Télémaque [AERES 70]
Mots-clefs : paternité, parentalité, précarité, disqualification sociale, intervention sociale, SDF